23 décembre 2025
Lucas Zielinski, la force d’y croire
En deux saisons seulement, Lucas Zielinski s’est imposé comme l’un des visages forts du Clio Trophy France Asphalte. Meilleur rookie en 2024, le Palois de vingt-neuf ans dévoile les coulisses d’une progression fulgurante l’ayant mené au titre chez les Juniors à force de travail et de résilience. Retour sur un sacre construit autant dans la tête que derrière le volant.
Lucas, comment êtes-vous tombé dans les sports mécaniques ?
Cela vient essentiellement de mon père. Mon grand-père maternel aimait beaucoup les voitures et avait participé à quelques petits rallyes d’endurance, sans prétention. Mon père, lui, est entré dans le rallye tout-terrain, d’abord en 4x4. Pendant de nombreuses années, il a disputé le magnifique Championnat de France Tout-Terrain, avec notamment un titre national à la clé. C’est un environnement que j’ai toujours connu, même si, au départ, ce n’était pas quelque chose qui m’attirait particulièrement. Avec mon frère aîné, nous le suivions sur les épreuves et ils étaient souvent dans le garage à bricoler ensemble. De mon côté, j’appréciais surtout l’ambiance et les courses. J’adorais déjà tout ce qui touchait au pilotage, principalement à travers les jeux vidéo.
Comment le déclic est-il intervenu ?
En 2017, mon père nous a offert un petit buggy propulsion, un Tomahawk, équipé d’un moteur de moto et d’une boîte séquentielle. C’était une voiture très légère, avec près de 200 chevaux. Mon frère a d’abord fait quelques rallyes, puis c’était mon tour. Dès ma première course, nous terminons sur le podium deux-roues motrices. Nous obtenons trois podiums en trois départs, derrière les habitués du championnat. C’est là que je suis tombé amoureux des sensations et de tout ce que cet univers représente. J’ai même été élu « Espoir de l’année » et j’ai eu l’opportunité de disputer une course avec le buggy quatre-roues motrices de mon père. Avec mon frère, nous avons aussi goûté au circuit au Grand Prix de Pau avec une Legend Car. En tant que Palois, c’était un rêve et des souvenirs magiques de rouler sur ce tracé mythique, où ont couru de grands noms de la Formule 1.
Et pourtant, vous vous orientez ensuite vers le rallye « classique »...
Entretemps, j’ai découvert l’opération Rallye Jeunes. J’ai tenté ma chance à deux reprises, en échouant chaque fois au deuxième degré de sélection pour avoir touché des cônes. Malgré tout, je suivais beaucoup le WRC, je faisais du simulateur, et je sentais que je devais essayer quelque chose. J’ai donc monté un petit programme avec mon argent et quelques partenaires, et je me suis engagé en Championnat de France des Rallyes Junior au Rallye du Touquet.
Un premier rallye très encourageant…
Oui. À la fin de la première journée, nous signons un troisième temps. Il y avait de beaux noms au départ : Léo Rossel, Tom Pieri, Florent Todeschini... J’avais été très bien accueilli dans le milieu par l’équipe ARL Sport. Mon expérience en tout-terrain m’a permis d’avoir certaines connaissances, mais il fallait trouver un système de notes qui me corresponde. J’ai également découvert plusieurs choses, comme les plaques noires, ou plus tard la gravette. J’ai appris tout cela sur le tas. Le résultat a été un peu entaché par une petite erreur dans les conditions piégeuses du Touquet, mais l’envie était toujours plus grande. Je me suis donc engagé au Rallye Terre de Lozère, où je me suis régalé, puis au Rallye Cœur de France. Hélas, une grosse sortie de route a alors mis prématurément fin à ma saison.
Comment avez-vous vécu cette période après votre accident au Cœur de France ?
C’était très compliqué. J’ai commis l’erreur que l’on peut facilement faire lorsque l’on a les yeux pleins d’étoiles dans ce milieu. Je ne me suis pas endetté, mais je n’avais plus les moyens de continuer sans partenaire. J’ai eu la chance de rouler ponctuellement en tout-terrain grâce à Daniel Favy, un ancien concurrent de mon père. Cela a été une véritable bouffée d’oxygène, car il y avait beaucoup de frustration de voir chaque saison commencer sans pouvoir en être. En parallèle, j’avais été invité à essayer Clio Rally5 par Dart Racing avec le projet de me lancer en Clio Trophy France Asphalte. Malgré tous nos efforts, nous n’y sommes pas arrivés, mais je m’étais immédiatement senti à l’aise à son volant. En 2023, j’ai également découvert la Minerva Academy, initiée par Bernard Piallat et Jean-Charles Beaubelique. Je n’ai pas été retenu la première année. Après quelques hésitations, j’ai retenté l’année suivante et Bernard m’a appelé dès le lendemain pour m’annoncer ma sélection.
Sportivement, votre saison 2024 est une très belle réussite…
Oui. J’avais comme copilote Clémence, la fille de Daniel. Cela s’est fait naturellement après nos expériences en tout-terrain. Avec ses budgets raisonnables et la perspective de la dotation finale, le Clio Trophy France Asphalte représentait l’opportunité idéale pour revenir sérieusement dans le milieu, d’autant que nous avions une demi-journée d’essais avant chaque rallye avec la Minerva Academy. Et nous finissons troisièmes au général, meilleurs débutants, et deuxièmes Juniors derrière Arthur Pelamourgues. C’était ce que j’espérais et nous avons énormément appris. Nous avons aussi pu développer nos réglages, comprendre la voiture et progresser mentalement. Cette saison nous a permis de poser des fondations solides pour la suite.
2025 démarre pourtant difficilement…
Nous avions des objectifs assez élevés après 2024. Hélas, nous nous faisons piéger dans du bosselé en descente au Rallye Rhône-Charbonnières. Les dégâts nous obligent à écourter la première journée avant de repartir le lendemain. Puis nous subissons deux crevaisons au Rouergue, ce qui met dans un faux rythme. Après cela, nous avons eu une grosse remise en question avec l’équipe avant le Mont-Blanc.
Et c’est là que tout bascule…
Dès les essais, nous avons retrouvé de très bonnes sensations. Nous avons abordé le Mont-Blanc comme si nous étions encore en lice. Je pense que j’étais très bien entouré et il y a eu une belle synergie. Sans forcer, nous avons pris la tête, et ce jusqu’à une crevaison dans l’ES12. Cela nous a coupé l’herbe sous le pied, mais la performance était là et la dynamique a complètement changé. Nous avons fermé les yeux sur le classement général pour nous concentrer sur le Junior au Cœur de France, puis la finale à fort coefficient au Rallye du Var est arrivée.
Comment avez-vous soufflé le titre chez les Juniors ?
Le défi psychologique était énorme avec autant de points et d’enjeux. L’idée était de prendre la température sur les quatre premières spéciales, où il n’y avait pas de points performers en jeu, puis d’augmenter un peu le rythme sans se mettre le couteau sous la gorge. Mais même lorsque Tom et Paul sont malheureusement sortis de la route, il a fallu rester concentrés et intelligents tant les pièges étaient nombreux. Je repense à une arrivée sur de l’huile déposée par un concurrent, ou toutes les cordes où l’on pouvait crever. Gérer est toujours un exercice différent. J’étais tellement dans ma bulle que je n’ai réalisé que sur la liaison vers Sainte-Maxime. J’ai ressenti une légèreté et une fierté incroyable. Même si nous sommes en Clio Trophy France Asphalte depuis deux ans, cela faisait bien entre cinq et sept années que j’avais le projet de faire quelque chose en formule de promotion.
Quelles sont, selon vous, vos principales forces et vos axes de progression ?
Je suis très rigoureux dans ma préparation, avec un coach qui m’accompagne à l’année et mon activité de moniteur de ski durant l’hiver. J’essaie de m’entretenir physiquement, car je crois que c’est l’une des clés pour être bien dans sa tête. Je fais aussi beaucoup de simulateur. Au volant, je pense avoir un pilotage relativement propre et fluide, ce qui me permet de préserver la voiture. Je suis toutefois conscient qu’il me reste beaucoup à apprendre, notamment sur les réglages, l’amélioration continue des notes, ou la mécanique, un domaine que j’aimerais davantage explorer. Et quand je vois mes performances sur les rares rallyes où j’ai déjà de l’expérience, je me dis que nous avons de quoi connaître une progression intéressante.
Que vous a apporté Ewen cette saison ?
Ewen m’a rejoint au Rouergue. Comme moi, il n’a pas une très grande expérience dans le milieu, mais nous partageons la même envie d’aller le plus haut possible. Il est extrêmement talentueux et je pense qu’il aura quoiqu’il arrive une belle carrière. Il a été formé par Guillaume Mercoiret et il est très travailleur. Il ne laisse passer aucun détail, se remet sans cesse en question et analyse tout ce qui est possible. Sa sérénité dans l’habitacle a été une grande force pour moi.
Que peut-on vous souhaiter pour la suite ?
Mon objectif est simple : rouler et performer le plus possible tout en représentant fièrement les couleurs officielles et tous ceux qui ont contribué à ce projet. J’aimerais remercier tout particulièrement Minerva Oil et PH Sport. Sans leur soutien et celui de mes partenaires, je n’aurais jamais pu disputer ces deux saisons dans d’aussi bonnes conditions. Mon rêve est de continuer à performer, de faire durer cette aventure le plus longtemps possible et de construire une véritable histoire.
Un dernier message ?
Il ne faut jamais cesser d’y croire et garder le cap, même quand les doutes prennent le dessus. C’est ce que je me suis efforcé de faire et le fait d’être arrivé là est déjà un épanouissement. J’ai pu rencontrer Olivier David à la cérémonie de remise des prix, comme son équipe David Auto Compétition exploitera ma voiture l’an prochain. Je pense que nous avons les mêmes valeurs et que nous sommes tous les deux des personnes transparentes. Nous avons tous les deux envie de bien faire pour écrire le chapitre suivant.